A la suite de la proposition d’Olivier Faure, 1er secrétaire national du PS, de supprimer le concordat en vigueur en Alsace-Moselle, les élus socialistes d’Alsace et de Moselle s’en sont émus publiquement et lui ont adressé une lettre dont la presse nationale et presse régionale se sont fait l’écho. Dans différents interviews, le patron des socialistes mosellans, Mickael Weber, maire de Woelfling-lès-Sarreguemines et ancien conseiller régional de Lorraine, s’est prononcé sur le sujet.  On a notamment pu lire la déclaration suivante : « [le concordat] est le produit de ‘l’histoire’ au même titre que le bilinguisme et la culture régionale, comme l’avait souligne Hollande à Strasbourg en 2012. Pourquoi infliger au territoires une nouvelles blessures alors qu’il y a une grande confusion entre le concordat et le régime local ?» (Ami-Hebdo Moselle, 27 décembre 2020).

Effectivement, il existe une confusion entre droit local et concordat et entre concordat et régime des cultes. Il y a d’ailleurs fort à parier qu’Olivier Faure vise en réalité l’intégralité du régime des cultes d’Alsace-Moselle qui régit également les cultes protestants (lutherien et réformé) et juif et non le seul concordat applicable au culte catholique. En outre, le régime des cultes n’est effectivement qu’un des élements qui composent la réglementation spécifique régissant certains domaines économiques et sociaux et que l’on désigne sous le nom de droit local alsacien-mosellan.

Cela dit, on ne peut que s’étonner de ce soudain intérêt des socialistes pour la défense des particularismes de notre région tant leur bilan en la matière est accablant. Ils n’ont pourtant pas manqué d’occasions, à commencer par le septennat de François Hollande entre 2012 et 2017.

La problématique du droit local est relativement claire depuis la décision Somodia du Conseil constitutionnel (2011) : les dispositions du droit local peuvent demeurer en vigueur tant qu’elles n’ont pas été remplacées ou qu’elles n’ont pas été harmonisées avec le droit commun (le droit local est transitoire et il n’y aucune garantie de maintien en l’état). Ces dispositions particulières ne peuvent être aménagées que dans la mesure où les différences de traitement qui en résultent ne sont pas accrues et que leur champ d’application n’est pas élargi ; il ne peut donc pas évoluer en s’écartant du droit commun, sous peine de subir une censure du Conseil constitutionnel. On sait donc (a minima depuis 2011), que la seule solution réside dans l’adoption d’une garantie constitutionnelle consacrant l’existence du droit local en tant que droit territorialisé et prévoyant explicitement la possibilité d’extension de son champ d’application, y compris en divergeant du droit commun, voire une territorialisation au moins partielle du pouvoir normatif, pour répondre aux besoins d’une société et d’une économie du XXIème siècle et au risque d’obsolescence. La réforme constitutionnelle initiée par Hollande aurait été une occasion à saisir (même si elle n’a finalement pas été menée à son terme, ce que les socialistes mosellans ne pouvaient pas savoir lors de son lancement et ne justifie donc pas leur inaction). Ils n’ont pris aucune initiative et manifestement ils n’ont toujours rien compris à la problématique puisqu’ils répétaient encore le mois dernier que « Hollande s’était engagé à ne pas remettre en cause le droit local ». En 2016, lors de la généralisation d’une couverture collective à adhésion obligatoire, des actions ont été menées en Moselle et en Alsace pour soutenir les propositions des administrateurs du Régime Local d’Assurance Maladie que la gestion du différentiel de prestations à hauteur du panier de soins minimum (panier ANI) soit confiée au régime local et qu’une contribution employeur soit introduite dans le financement. Cette proposition comportait un risque juridique souligné par la mission parlementaire mais elle avait le mérite de réactualiser la question de la nécessité d’une garantie constitutionnelle et donnait à Hollande et au gouvernement socialiste l’occasion de proposer une telle garantie dans le cadre de la réforme constitutionnelle déjà envisagée.

Plus récemment, alors qu’Emmanuel Macron annonçait une réforme constitutionnelle, une pétition citoyenne en faveur d’une garantie constitutionnelle du droit local a été lancée par l’association Alsace+Moselle qui a également contacté toutes les communes d’Alsace et de Moselle pour les inviter à voter une motion en faveur de cette garantie constitutionnelle. Plusieurs communes mosellanes l’ont fait. Ni la commune de Woelfling-les-Sarreguemines, dont Mickael Weber est maire, ni Metz, dirigée alors par le socialiste Dominique Gros, n’en font partie.

En matière de langue régionale et de bilinguisme, le bilan n’est pas meilleur. Pendant tout le quinquennat Hollande, les ministres socialistes de l’éducation ont fait la sourde oreille aux demandes des associations y compris quand elles ont été portées au ministère par une délégation parlementaire transpartisanne conduite par l’ancienne députée Anne Grommerch. A la tête de la région Lorraine de 2005 à 2015, les socialistes se sont contentés de mesurettes et ont soutenu la désastreuse politique menée par les recteurs de Nancy-Metz placés sous l’autorité hiérarchique de ministres socialistes. Jean-Pierre Masseret était contre une véritable politique de la Région en faveur du bilinguisme (ce qui a été confirmé par des élus écologistes) et le poste de « vice-président(e) en charge du bilinguisme » était une véritable farce. Sa titulaire, Angèle Dufflo, avait d’ailleurs fini par admettre en privé n’avoir rien entrepris de significatif pour ne pas s’attirer les foudres de Masseret et être privée d’investiture aux élections suivantes.

Les électeurs mosellans jugeront sur les actes et ils seront peut-être nombreux à se souvenir en juin prochain que les socialistes ne sont pas les défenseurs des particularismes de notre région, qu’ils n’ont aucun bilan à leur actif dans le domaine du droit local et du bilinguisme et que c’est un président socialiste et sa majorité parlementaire qui sont à l’origine de la création du Grand Est.